Reconnaîtrez-vous la chanson?
Vous allez dire : « C’est complètement impossible ! » Pourtant cette drôle d’aventure m’est vraiment arrivée. Il y a deux mois, le cadavre de mon épouse a été retrouvé dans une poubelle à deux rues de chez nous. Battue, sauvagement égorgée, ma Lola. On m’a immédiatement soupçonné. Les femelles du canton, celles qui naguère montraient peu de sympathie à Lola se sont empressées de m’accabler dès sa disparition. La voisine de palier, une vieille décrépite, a témoigné qu’elle pleurait beaucoup de jour comme de nuit. Elle ne pleurait pas, Lola, elle chantait ! Etait-ce ma faute si elle était dotée d’une petite voix de chat écorché ? Etait-ce ma faute encore si, par malheur, dans l’étreinte elle criait « maman ! » au moment suprême ? Même sa mère, face de guenon, a clamé que sa pauvre fille n’avait dû avoir aucune chance face à moi, le costaud en bois dur aux bras puissants. Au diable la féminine engeance qui n’a guère de suite dans les idées !
Je leur ai pourtant dit à la police qu’avec impudeur Lola adorait s’exhiber à la fenêtre en petite tenue, sans souci du qu’en dira-t-on et qu’il leur fallait plutôt chercher du côté des pervers en rut d’en face, un centenaire et un joyeux luron qui la couvaient d’un œil décidé. Mais non, dès le début de l’enquête un policier lorgnait un endroit précis de la cuisine, un coin de carrelage taché de rouge. J’ai eu beau lui expliquer que Lola s’était blessée en coupant des patates (et comme elle ne faisait pas le ménage…), il est demeuré impassible, certain de ma culpabilité. Quant au correspondant du journal local, un scribouillard qui ne brille ni par le goût ni par l’esprit, lui aussi m’a régulièrement éreinté.
À moins d’un miracle – « ce serait extraordinaire » soupirais-je – c’était la prison bien close qui m’attendait et des années à contempler le ciel quelques minutes par jour à travers de larges grilles.
Alors que, défait, j’attendais ma mise en examen dans le bureau du magistrat, voilà que surgit tout à coup mon policier, toujours impassible, bien que porteur d’une nouvelle pour tout dire inespérée. Il tenait le coupable : un pauvre puceau dérangé, pourtant inoffensif, bien connu pour son dandinement vers les robes des commères du quartier. Une pulsion, inexplicable, l’avait amené à trancher le cou de Lola.…
Le juge, je devrais plutôt dire la juge, bel animal que je ne peux nommer ici, m’adressa alors une œillade coquine. Croyez-moi, je n’ai pas hésité à profiter de la chance ! La suite serait délectable car ma nouvelle conquête aux jeux de l’amour vaut son prix. Malheureusement je ne peux pas la dire ici…et c’est regrettable…