Je hais les dimanches !

16.07.2013

Et apparemment je ne suis pas la seule !

Je hais les dimanches ! Ce refrain me trotte dans la tête depuis que j'ai eu la malencontreuse idée d'écouter sur un antique tourne-disque un tout aussi vieux 33 tours de Juliette Gréco. Sale manie de piocher constamment dans les souvenirs du passé ! Mais le cri de Juliette s'accorde si bien avec l' humeur qui est la mienne depuis un an.

Chante, Juliette, chante! Parce que c'est un dimanche matin que j'ai découvert la trahison de Luc. Il me croyait au marché, j'ai surpris une conversation téléphonique qui ne m'a laissé aucun doute sur la romance qu'il entretenait avec Lina, sa secrétaire.

Chante, Juliette, chante! Parce que ce même dimanche après-midi, après des heures de larmes de mon côté, de lourd silence du sien, Luc m'a juré avec des sanglots longs de violon que cette passade n'était qu'une fausse note dans l'harmonie de notre couple, m'a demandé pardon à genoux et assuré que nous allions la reprendre à zéro notre mélodie du bonheur.

Chante, Juliette, chante! Parce que c'est un dimanche trois semaines plus tard que le fourbe a fait sa valise, incapable de résister aux trilles envoûtants de sa jeune sirène
Depuis son départ, je me réjouis de passer le plus de temps possible au bureau. Les soirs, je flâne au centre commercial, je me fonds dans la foule qui me réchauffe. Je suis bien. Je rentre à la nuit tombée, grignote sans faim et m'écroule épuisée jusqu'au lendemain matin.

Chante Juliette, chante! Parce que le dimanche je préfère rester seule avec ma solitude. À quoi bon m'habiller, sortir? Ma tristesse a écarté mes amis. C'est mieux ainsi, leur sollicitude m'agaçait. Faire un tour alors que les rues de ma petite ville de province sont désertes, que les rideaux des magasins sont baissés? Sans foule pour me réchauffer, j'angoisse. Alors, sous la touffeur de la couette, je me complais à me lamenter sur les beaux dimanches d'autrefois, les "dimanches de printemps tout flanqués de soleil" où l'on allait à deux se ressourcer main dans la main en forêt, en montagne. "Les beaux dimanches pleins de ciel bleus et de rires d'enfants" ou à quatre on pédalait joyeusement sur les routes de campagne; l'hiver, c'étaient les jeux de société à la maison ou le cinéma.
Les garçons sont loin aujourd'hui. Chaque dimanche soir, ils appellent pour prendre de mes nouvelles, Marc depuis Lille, Gilles depuis Strasbourg. Je dis que tout va bien avec des trémolos dans la voix. Ils se fâchent, me ressortent chacun leur litanie habituelle: "Bon sang, maman, au bout d'un an, il est temps de mettre un bémol à ton chagrin, à ton isolement! Réagis, à cinquante ans, tout n'est pas fini, qu'attends-tu pour refaire ta vie?"

Refaire ma vie? Ils en ont de bonnes les garçons! Encore faudrait-il que j'en aie envie et puis, avec qui? Je ne vois plus personne, j'évite mes voisins. Quoi que... le nouveau, bel homme, charme exotique dirait ma collègue Anne, un Malien paraît-il. Ça m'a fait drôle lorsque nos mains se sont par hasard effleurées l'autre jour sur le bouton de l'ascenseur.
Mais je ne suis pas sûre d'être prête à changer de disque et à entonner: Ta gueule, Juliette! Laisse-moi écouter Mamadou et Mariam psalmodier sur un rythme de djembé " Le dimanche à Bamako, c'est le jour du mariage!"